– Les Mauvaises fréquentations – Bienvenue sur le blog de Thierry Savatier
Ecrivain, historien de l'art, passionné d’art et de littérature. J’ai emprunté aux mémoires de Gaston Ferdière le titre de ce blog (destiné à faire partager des impressions sur des livres, des expositions ou l’actualité) parce que les artistes, c’est bien connu, sont presque toujours de mauvaises fréquentations…
Apprenant la publication de l’ouvrage dont vous faites une analyse très positive, je me suis rendu sur le site de l’éditeur. la lettre ouverte qui vous est adressée me semble quelque peu virulente. Je n’ai pas fait la même lecture que l’éditeur. Quand vous mentionnez Gallica c’est évidemment au sujet des ouvrages de Fersen pour qui, à la suite de la lecture de l’ouvrage de Gianpaolo Furgiuele dont j’ai retenu, à vous lire, qu’il est excellent.
Prendre la mouche et se fendre d’une Lettre ouverte, parce que vous dénoncez de nombreuses et insupportables coquilles me parait à la limite du ridicule. Il eut bien mieux valu reconnaître les faits et annoncer la nouvelle édition corrigée. L’auteur de cette lettre a cependant raison au sujet des textes de Fersen. Nombreux de ses ouvrages – surtout de fiction – comportent des fautes et les pages scannées en l’état, ce qui est le plus souvent agaçant. Cependant, il a tout à fait raison de mentionner l’orthographe parfois particulière de l’auteur, ses tics de langage, comme ses inventions linguistiques. Peut-être aurait-il fallu que l »‘auteur expliquât ce parti-pris d’authenticité. Je pense comme vous que le travail de l’auteur est éminemment rigoureux et de grande qualité. Travaillant depuis plusieurs années sur ce personnage mal compris en France, divinisé par certains milieux et peut-être représenté d’une manière outrancière plus que romancée par Peyrefitte qui aimait bien pervertir les réalités. J’ai rencontré de nombreux témoins de cette époque il y a de nombreuses anénes. A Capri, à Rome, àen France. J’ai eu en main de nombreux manuscrits, des lettres, des articles mais je n’ai jamais trouvé encore la matière qui me déciderait à présenter la vie de cet auteur d’une manière optimale. Gianpaolo Furgiuele l’a fait et c’est, comme vous l’écrivez, un excellent travail, une parfaite introduction à l’œuvre de Jacques d’Adelsward-Fersen que, nonobstant l’insistance de Peyrefitte, il est sot et vulgaire de réduire à un auteur « inverti », aristocrate dévoyé et inconsistant. Votre article louangeur méritait-il une telle diatribe de la part de l’éditeur ? Je ne le pense pas. Mais le monde de l’édition et des lettres aime bien ce genre de conflits…
Cordialement
LC
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Cher Monsieur,
Merci pour votre message. Grâce à vous, j’ai pris connaissance de la « lettre ouverte » de l’éditeur, qui m’est adressée mais qu’il ne m’a jamais envoyée – une distraction, sans doute…
Le cas est rare, mais il m’arrive de me montrer très critique envers un livre qui me déplaît, soit pour son contenu, soit pour les coquilles qu’il contient. Ici, vous l’avez vu, je n’ai fait que louer le travail de l’auteur car il le mérite ; c’est à celui de l’éditeur que je me suis attaqué. Mais je dois vous avouer que, de mémoire, jamais un auteur ni un éditeur ne s’est permis de rendre publique une réponse aussi virulente à l’un de mes papiers sans même avoir eu la courtoisie de m’en avertir – même si, ici, l’un et l’autre se confondent partiellement, puisque Gianpaolo Furgiuele est, selon sa page Facebook, responsable éditorial chez Laborintus…
L’indignation de cet éditeur est trop excessive pour que j’y réplique sous la forme d’un article. Je n’ai pas évoqué, me reproche-t-il, le contexte politique et religieux, or, non seulement la taille de l’article ne le permettait pas, mais encore j’ai considéré que c’était au lecteur de découvrir l’étude de Furgiuele. Mon rôle est de donner envie de lire un livre, pas d’en dévoiler tout le contenu.
Comme vous, je suis très étonné de son irritation au sujet de l’indication que j’ai fournie sur la disponibilité des livres de Fersen dans le fonds du site Gallica. Les lecteurs désireux de découvrir cet auteur seront découragés par les prix auxquels sont vendus les tirages d’époque, d’ailleurs assez rares à dénicher ; dès lors, il me semblait logique de leur préciser cette source. Tout cela est donc assez puéril.
Mais, à la puérilité, que l’on peut facilement pardonner, s’ajoute le manque d’honnêteté intellectuelle, qui est beaucoup plus délicat. Car, finalement, ce que le rédacteur de la lettre ouverte n’a pas supporté, c’est la critique légitime portée sur son travail d’impression – un travail de « gougnafier », pour reprendre le mot de Queneau.
Et sa défense est, là encore, plutôt maladroite. Parler de « quelques coquilles » dans la préface, alors qu’elle en est truffée, me fait sourire. En revanche, curieusement, les textes de Fersen, à l’exception d’In Memoriam : Raymond Laurent, comportent fort peu de coquilles. L’éditeur ne peut donc courageusement s’abriter derrière l’orthographe du baron pour travestir son incurie en fidélité à l’auteur. D’autant moins que l’on ne retrouve une foule d’erreurs typographiques que dans les textes qui suivent (à partir de la p. 87), articles de la presse française ou italienne (traduite par Furgiuele dans ce dernier cas). Etait-ce pour respecter les coquilles des journaux de l’époque ou du traducteur qu’elles abondent ? Nul n’y croira. Bref, avec cette lettre ouverte, nous avons, comme disait Flaubert, « le maximum de la pignoufferie »…
Un mot encore, pour conclure : se drapant dans sa supposée rigueur, l’éditeur écrit : « nous avons donc pour principe de ne pas corriger, moderniser, adapter, transformer… rendre agréables à la lecture… les documents que nous publions. » Je ne suis pas certain qu’il soit parvenu à respecter ce principe, à l’exception du dernier point : il parvient à rendre désagréable la lecture d’un bon livre par sa seule négligence.
Bien cordialement à vous.
T.S.
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